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l’art au point de vue sociologique.

tions et celle de toutes les idées, comme il arrive souvent dans les assemblées, où un grand nombre d’hommes réunis sont en communication de sentiments et de pensées.

Le mouvement est le signe extérieur de la vie, comme l’action, c’est-à-dire le mouvement voulu, en est le signe intérieur ; il est de plus le grand moyen de communication entre les êtres. Aussi tous les arts se résument-ils dans l’art de produire ou de simuler le mouvement et l’action, et par là de provoquer en nous-mêmes des mouvements sympathiques, des germes d’actions. La musique est du mouvement rendu sensible à l’oreille, une vibration de la vie propagée d’un corps à l’autre. Le rythme le plus primitif, le simple roulement des coups frappés par nos doigts ou par le tambour, c’est encore le mouvement et la vie, car le rythme est la représentation d’une marche, d’une course, d’une danse, des battements du cœur. La sculpture et la peinture, — le vieux Socrate en a fait la remarque, — ont pour objet les modifications de la forme par le mouvement. Les couleurs ont d’ailleurs par elles-mêmes, comme le fait observer Fechner, une valeur symbolique, expressive de la vie et des sentiments, par conséquent des mouvements mêmes. L’architecture est l’art d’introduire le mouvement dans les choses inertes ; construire, c’est animer. L’architecture, en premier lieu, organise les matériaux, les met en ordre ; en second lieu, elle les soumet à une sorte d’action d’ensemble qui élève d’un seul mouvement l’édifice au-dessus du sol et, par l’harmonie des lignes, la continuité du jet ascensionnel, rend léger ce qui est pesant, fait monter et tenir debout, dans la position de la vie, ce qui tend à s’affaisser, à s’écraser. M. Sully-Prudhomme remarque avec justesse que la beauté architecturale ne va pas sans un certain allégement de la matière ; le laid, en architecture, c’est au contraire ce qui est écrasé, lourd, ce qui est tout ensemble inorganisé et inerte.

Une dernière remarque, c’est que, l’architecture étant faite pour contenir la vie, le mouvement et la vie qu’elle abrite en elle pénètrent pour ainsi dire ses matériaux, se font jour au travers : un édifice qui est fait pour la vie est lui-même une sorte de corps vivant, avec ses ouvertures sur le dehors, ses fenêtres qui sont comme des yeux, ses portes qui sont comme des bouches, enfin tout ce qui marque le va-et-vient des êtres animés. Le premier édifice de l’animal a été sa coquille ou sa