Page:Guyau - L’Art au point de vue sociologique.djvu/389

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
329
le rythme.

5. Hélas ! on ne parle que de passer le temps ! Le temps passe, en eiret,

et nous passons avec lui.

 


Rousseau, à son tour, parle en versets ; c’est un Jérémie orgueilleux et un Isaïe fanfaron.


1. Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple, et qui n’aura point d’imitateur.
 
2. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi. Moi seul.
 
3. Je sens mon cœur, et je connais les hommes.
 
4. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus ; j’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre.
 
5. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m’a jeté, c’est ce dont on ne peut juger qu’après m’avoir lu.
 
6. Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge.
 
7. Je dirai hautement : voilà ce que j’ai fait, ce que j’ai pensé, ce que je fus.
 
8. J’ai dit le bien et le mal avec la même franchise.
 
    Je n’ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon.
 
9. Et s’il m’est arrivé d’employer quelque ornement indifférent,
 
ce n’a j’amais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire.
 
10. J’ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l’être,
 
      jamais ce que je savais être faux.
 
11. Je me suis montré tel que je fus ; méprisable et vil quand je l’ai été, bon, généreux, sublime, quand je l’ai été.
 
12. J’ai dévoilé mon intérieur
 
      tel que tu l’as vu toi-même, être éternel.
 
13. Rassemble autour de moi l’innombrable foule de mes semblables ;
 
    Qu’ils écoutent mes confessions, qu’ils gémissent de mes indignités, qu’ils rougissent de mes misères,
 
14. Que chacun d’eux découvre à son tour son cœur au pied de ton trône avec la même sincérité ;
 
      Et puis qu’un seul te dise, s’il l’ose : je fus meilleur que cet homme-là.
 



Voici maintenant des versets de Chateaubriand :


1. Bientôt, cherchant à lire dans mes yeux,
 
    comme pour pénétrer mes secrets :
 
2. « Oh ! oui, c’est cela, les Romaines auront épuisé ton cœur !
 
    tu les auras trop aimées.