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les idées philosophiques et sociales dans la poésie.

et de maint philosophe. — L’infiniment petit n’est pas moins insondable que l’infiniment grand (le Double Infini) ; L’homme est faible par le corps, mais puissant par la pensée (le Roseau pensant) ; Si la pensée est plus grande que la matière, l’amour est plus grand encore que la pensée (les Trois Ordres), etc. Même pour Descartes : — Il est difficile de douter de sa propre existence (cogito, ergo sum) ; Où aurions-nous pu prendre l’idée d’un être parfait s’il n’y avait en nous qu’imperfection ? — Spinoza : Dieu est partout, Dieu est en tout, — et ainsi de suite. Si la Tristesse d’Olympio se résume en cette vérité de la Palisse : « L’amour n’a qu’un temps, mais on s’en souvient toujours avec plaisir ; « on peut résumer de même le Lac de Lamartine : « Plaisir d’amour ne dure qu’un moment, chagrin d’amour dure toute la vie. » — Même le Moïse de Vigny : « Ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux. « Le Mont des Oliviers de Vigny, comme le Désespoir de Lamartine : Le mal et la douleur ne sont pas faciles à concilier avec la divine Providence. Et Byron : « Tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. » — Même les poèmes des philosophes conscients et raisonnés, comme Sully-Prudhomme : — L’homme ne peut se résoudre à ne pas espérer (les Danaïdes) ; Les âmes délicates sont faciles à froisser (le Vase brisé) ; On serait heureux de retrouver dans une autre vie ceux qu’on a perdus (les Yeux) ; Les hommes travaillent l’un pour l’autre : il se faut entr’aider, c’est la loi de nature (le Rêve) ; Les aéronautes sont des hommes courageux, qui se munissent de baromètres et qui font à leurs dépens des expériences de physique (le Zénith[1].

  1. Soirée en mer, d’Hugo, qu’on nous représente comme le développement de cette vérité : « Nous allons tous à la tombe, » — et qui du reste n’a point la |irétention d’être une poésie philosophique, contient les beaux vers suivants, qui en marquent le vrai sens :

    Et l’éternelle harmonie,
    Pèse comme une ironie
    Sur tout ce tumulte humain.

    Dans Magnitudo parvi, vers adressés à un enfant, et qu’on représente comme ua pur lieu commun, nous lisons cette description du penseur :

    Il sent que l’humaine aventure
    N’est rien qu’une apparition ;
    Il se dit : « Chaque créature
    Est toute la création. »

    Il se dit : « Mourir, c’est connaître ;
    Nous cherchons l’issue à tâtons.
    J’étais, je suis, et je dois être.
    L’ombre est une échelle. Montons. »