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l’art au point de vue sociologique.


III. — Finalité et évolution universelle. L’immortalité.


Hugo admet en toutes choses ce que les philosophes appellent une finalité immanente, c’est-à-dire un désir, une aspiration interne, dont l’évolution mécanique des choses n’est que le côté extérieur. « Une formation sacrée accomplit ses phases, dit-il[1]. » « On ne peut pas plus circonscrire la cause que limiter l’effet… Toutes les décompositions de forces aboutissent à l’unité. Tout travaille à tout… Qui donc connaît les flux et les reflux réciproques de l’infiniment grand et de Tintiniment petit[2] ? « 

Dans l’Année terrible, il insiste sur la fonction dévolue à chaque partie dans le tout :


· · · · · · · · La surface est le vaste repos ;
En dessous tout s’efforce, en dessus tout sommeille ;
On dirait que l’obscure immensité vermeille
Qui balance la mer pour bercer l’alcyon.
Et que nous appelons Vie et Création,
Charmante, fait semblant de dormir, et caresse
L’universel travail avec de la paresse.


Pour Hugo, l’« évolution sainte de la vie est progrès. » Ce monde, cette création où Dieu semble englouti sous le chaos des forces,


C’est du mal qui travaille et du bien qui se fait.
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La raison n’a raison qu’après avoir eu tort.
Les philosophes, pleins de crainte ou d’espérance,
Songent et n’ont entre eux pas d’autre dilféreace,
En révélant l’Éden, et même en le prouvant.
Que le voir en arrière ou le voir en avant.
Les sages du passé disent : — L’homme recule ;
Il sort de la lumière, il entre au crépuscule…
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Ils disent : bien et mal. Nous disons : mal et bien.

Mal et bien, est-ce là le mot ? le chiffre unique ?
Le dogme ? est-ce d’Isis la dernière tunique ?
Mal et bien, est-ce là toute la loi ! — La loi !
Qui la connaît ? · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Vous demandez d’un fait : Est-ce toute la loi ?
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  1. Les Travailleurs de la mer.
  2. Les Misérables, tome VII, p. 158.