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les idées philosophiques et sociales dans la poésie.


IV

ALFRED DE MUSSET


Le problème du mal, de la vie et de la destinée, c’est ce qui donne à tant de vers de Musset leur sentiment profond.


L’homme est un apprenti, la douleur est son maître.
Et nul ne se connaît, tant qu’il n’a pas soufrert [1].

Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots.
.................
Leurs déclamations sont comme diis épées ;
Elles tracent dans l’air un cercle éblouissant ;
Mais il y pend toujours quelque goutte de sang [2].


Dans la Lettre à Lamartine, on se souvient du portrait que Musset fait de l’homme et de sa condition.


   … Marchant à la mort, il meurt à chaque pas.
Il meurt dans ses amis, dans son fils, dans sou père ;
Il meurt dans ce qu’il pleure et dans ce qu’il espère ;
Et, sans parler du corps qu’il faut ensevelir.
Qu’est-ce donc qu’oublier, si ce n’est pas mourir ?

Ah ! c’est plus que mourir, c’est survivre à soi-même.
L’âme remonte au ciel quand on perd ce qu’on aime.
Il ne reste de nous qu’un cadavre vivant ;
Le désespoir l’habite et le néant l’attend [3].


Le Souvenir exprime magnifiquement la même idée que le Lac et que la Tristesse d’Olympio.


Oui, sans doute, tout meurt ; ce monde est un grand rêve,
Et le peu de bonheur qui nous vient en chemin,
Nous n’avons pas plutôt ce roseau dans la main.
        Que le vent nous l’enlève.

Oui, les premiers baisers, oui, les premiers serments
Que deux êtres mortels échangèrent sur terre,
Ce fut au pied d’un arbre elTeuillé par les vents,
        Sur un roc en poussière.

  1. La Nuit d’octobre.
  2. La Nuit de mai.
  3. Lettre à Lamartine.