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l’art au point de vue sociologique.

du platonisme et du christianisme, ont inspiré les deux grands poèmes : Chute d’un ange et Jocelyn :

 
Borné dans sa nature, infini dans ses vœux,
L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux.


Par les désirs sensuels, l’âme tend en bas et tombe : « l’être lumineux » devient un « être obscur ». Par le détachement et le sacrifice, elle remonte vers la lumière,

La patrie, l’humanité, le progrès, les révolutions, les idées sociales ont fourni à Lamartine bien des inspirations, et parmi les plus élevées :


C’est la cendre des morts qui créa la patrie !
.................
Marchez ! l’humanité ne vit pas d’une idée !
Elle éteint chaque soir celle qui l’a guidée ;
Elle en allume une autre à l’immortel flambeau :
Comme ces morts vêtus de leur parure immonde,
Les générations emportent de ce monde
        Leurs vêtements dans le tombeau.

Tous sont enfants de Dieu ! L’hamme, en qui Dieu Iravailb,
Change éternellement de formes et de taille :
Géant de l’avenir à grandir destiné,
Il use en vieillissant ses vieux vêtements, comme
Des membres élargis font éclater sur l’homme
        Les langes où l’enfant est né.

L’humanité n’est pas le bœuf à courte haleine
Qui creuse à pas égaux son sillon dans la plaine.
Et revient ruminer sur un sillon pareil :
C’est l’aigle rajeuni qui change son plumage,
Et qui monte affronter, de nuage en nuage,
        De plus hauts rayons de soleil.

Enfants de six mille ans qu’un peu de bruit étonne.
Ne vous troublez donc pas d’un mot nouveau qui tonne.
D’un empire éboulé, d’un siècle qui s’en va !
Que vous font les débris qui jonchent la carrière ?
Regardez en avant, et non pas en arrière :
        Le courant roule à Jéhova !


En somme Lamartine, qui se souvient de la quiétude des classiques plus qu’il ne pressent les agitations des modernes, n’est qu’assez légèrement affecté encore par toutes ces questions morales, philosophiques et religieuses qui préoccuperont nos poètes contemporains. Tout est calme