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les idées philosophiques et sociales dans la poésie.

rendre grâces à Dieu ? Ne vis-tu pas ? — Ne dois-je pas mourir ? » Le pessimisme de Byron ne pouvait convenir au tempérament de Lamartine. Malgré cela, le problème du mal a inquiété sa pensée autant que quelque chose pouvait rinquiéter. On sait de quelle manière, un peu déclamatoire, ce problème est posé dans le Désespoir :

 
Héritiers des douleurs, victimes de la vie,
Non, non, n’espérez pas que sa rage assouvie
        Endorme le malheur.
Jusqu’à ce que la mort, ouvrant son aile immense,
Engloutisse à jamais dans l’éternel silence
L’éternelle douleur.


Lamartine reprend plus tard la question :


Le sage en sa pensée a dit un jour : « Pourquoi,
Si je suis fds de Dieu, le mal est-il en moi ?
.................
Est-il donc, ô douleur, deux axes dans les cieux,
Deux âmes dans mon sein, dans Jéhovah deux dieux ? »
Or l’esprit du Seigneur, qui dans notre nuit plonge,
Vit son doute et sourit ; et l’emportant en songe
Au point de l’infini d’oîi le regard divin
Voit les commencements, les milieux et la fin ;
     « Regarde, » lui dit-il…


Et l’homme finit par comprendre qu’il est, comme l’ont cru les religions orientales, l’auteur de sa propre destinée, selon la hauteur plus ou moins grande à laquelle il est parvenu dans l’échelle des êtres.


Et son sens immortel, par la mort transformé,
Rendant aux éléments le corps qu’ils ont formé.
Selon que son travail le corrompt ou l’épure,
Remonte ou redescend du poids de sa nalure !
Deux natures ainsi combattent dans son cœur.
Lui-même est l’instrument de sa propre grandeur ;
Libre quand il descend, et libre quand il monte,
Sa noble liberté fait sa gloire ou sa honte.
Descendre ou remonter, c’est l’enfer ou le ciel.


On reconnaît la Profession de foi du vicaire savoyard mise en beaux vers, avec un accent qui rappelle les idées de Swedenborg sur le ciel intérieur à la conscience même, sur l’enfer également intérieur.

La chute des âmes et leur retour à Dieu, ce fond commun