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introduction

formation consécutive d’une société nouvelle, celle des admirateurs du génie, qui, plus ou moins, réalisent en eux par imitation son innovation. C’est un phénomène analogue aux lois astronomiques qui créent au sein d’un grand système un système particulier, un centre nouveau de gravitation. Platon avait déjà comparé l’influence du poète inspiré sur ceux qui l’admirent et partagent son inspiration à l’aimant qui, se communiquant d’anneau en anneau, forme toute une chaîne soulevée par la même influence. Les génies d’action, comme les César et les Napoléon, réalisent leurs desseins par le moyen de la société nouvelle qu’ils suscitent autour d’eux et qu’ils entraînent. Les génies de contemplation et d’art font de même, car la contemplation prétendue n’est qu’une action réduite à son premier stade, maintenue dans le domaine de la pensée et de l’imagination. Les génies d’art ne meuvent pas les corps, mais les âmes : ils modifient les mœurs et les idées. Aussi l’histoire nous montre-t-elle l’effet civilisateur des arts sur les sociétés, ou parfois, au contraire, leurs effets de dissolution sociale. « Sorti de tel ou tel milieu, le génie est un créateur de milieux nouveaux ou un modificateur des milieux anciens. »

L’analyse des rapports entre le génie et le milieu permet de déterminer ce que doit être la critique véritable. Selon Guyau, elle doit être