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l’art au point de vue sociologique.

des présages sinistres qui menacent : — « Ah ! malheureux ! que vous est-il arrivé de funeste ? quelles ténèbres sont répandues sur vos têtes, sur votre visage et autour de vos genoux débiles ? Un hurlement se fait entendre, vos joues sont couvertes de pleurs. Les murs, les lambris sont teints de sang ; cette salle, ce vestibule sont pleins de larves qui descendent dans l’Érèbe, à travers l’ombre. Le soleil s’évanouit dans le ciel, et la nuit des enfers se lève. » Tout formidable que soit ce sublime d’Homère, il le cède encore à la vision du livre de Job.

« Dans l’horreur d’une vision de nuit, lorsque le sommeil endort le plus profondément les hommes,

» Je fus saisi de crainte et de tremblement, et la frayeur pénétra jusqu’à mes os.

» Un esprit passa devant ma face, et le poil de ma chair se hérissa d’horreur.

» Je vis celui dont je ne connaissais point le visage. Un spectre parut devant mes yeux, et j’entendis une voix comme un petit souffle. »

« La terre, s’écrie à son tour Isaïe, chancellera comme un homme ivre : elle sera transportée comme une tente dressée pour une nuit. « 

Que notre littérature romantique se soit inspirée de la Bible, cela est tout simple, puisqu’elle chercha dès ses débuts à faire des pastiches du genre oriental. Or le peuple hébreu a eu, au point de vue littéraire, ce rôle important de condenser tout le génie oriental. Et la Bible nous donne, comme en une sorte de manuel, un résumé des méditations sans fin des races orientales dans les déserts, devant une nature plus colorée, tantôt plus immuable et tantôt plus changeante que la nôtre.


VI

LA DESCRIPTION. L’ANIMATION SYMPATHIQUE DE LA NATURE


Ainsi que nous l’avons déjà remarqué, pour nous intéresser et exciter notre sympathie, la représentation de la nature doit en être l’animation ; elle doit, par conséquent, être une extension de la société vivante à la nature entière. Il faut