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L’ÉDUCATION MORALE.

des psychologues, avec l’habitude et l’instinct, on pensera qu’il serait possible anssi d’anéantir provisoirement chez un somnambule tel instinct, même des plus fondamentaux, comme l’instinct maternel, etc. Et maintenant il faudrait savoir si cette suppression de l’instinct ne laisserait pas quelques traces après le réveil. On pourrait en tous cas tenter l’expérience pour les habitudes ou manies héréditaires ; on pourrait voir si une série d’ordres ou de conseils longtemps répétés pendant le sommeil pourrait atténuer par exemple la manie des grandeurs ou des persécutions, etc. En d’autres termes, on essayerait de contrebalancer une manie naturelle par une autre artificielle. On aurait ainsi dans le somnambulisme un sujet d’observations psychologiques et morales bien plus riche que dans la folie. L’un et l’autre sont des détraquements du mécanisme mental ; mais, dans le somnambulisme provoqué, ce détraquement peut être calculé et réglé par le magnétiseur.

On pourrait concevoir une action sur l’intelligence et le sens moral analogue à celle du chirurgien sur les yeux atteints de strabisme : on guérit en effet le strabisme, non en fortifiant les muscles trop faibles, mais en relâchant ceux qui n’ont parfois que la force normale. Quoi qu’il en soit, les faits observés par M. Richet, s’ils sont exacts, indiquent à coup sûr une nouvelle voie de recherches, et peut-être un nouveau moyen d’action sur la volonté humaine (au moins dans son état morbide).

Veuillez agréer, monsieur et cher Directeur, l’expression de mes sentiments bien dévoués.

M. Guyau.