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L’ÉDUCATION MORALE.

la vie et le mouvement. Le supplice des classes, dans l’enseignement actuel, c’est la passivité, l’inertie, le silence auxquels est condamné l’enfant. « Recevoir toujours sans donner jamais ! mais c’est le contraire de la vie. Son cours alterne ces deux choses ; avidement elle reçoit, mais n’est pas moins heureuse de s’épandre et donner ». Rendons les élèves plus actifs dans la classe, mettons-les de moitié dans l’enseignement.


On se demande souvent s’il faut que l’enseignement aille du concret à l’abstrait, du particulier au général, de l’empirique au rationnel. — Oui, pour les tout jeunes enfants. Mais il ne faut pas exagérer, ni étendre outre mesure cette méthode sous le prétexte qu’elle représente : 1o l’évolution naturelle de l’esprit ; 2o l’évolution historique des sciences mêmes. D’abord, les enfants généralisent de très bonne heure, et sont portés à abstraire du premier coup. Ils sont simplistes et parfois raisonneurs à outrance. L’enfant a un esprit essentiellement logique : ce qu’on a fait une fois, par exemple, il exige qu’on le recommence, et cela exactement dans les mêmes conditions. Lui, si capricieux de nature, n’admet point le caprice chez autrui. C’est que l’expérience des diverses conditions et de la diversité des résultats lui manque. Et les peuples sont comme les enfants : ce sont des raisonneurs simplistes, souvent incapables de voir, dans un problème politique ou moral, trois ou quatre données à la fois.

Aussi, nous croyons qu’il faut laisser une place, et la première, à la méthode rationnelle et synthétique, dans les études où elle est particulièrement indiquée, comme les études grammaticales ou logiques. Mais nous croyons possible de combiner les deux méthodes dans la plupart des études, et, toutes les fois qu’il s’agit de sciences d’observation, il importe de faire observer aux élèves eux-mêmes, d’employer l’enseignement de l’action.


Une fois l’esprit capable de recevoir et d’acquérir, il s’agit de déterminer quelle est la nourriture intellectuelle la plus convenable, la qualité et la dose de savoir à acquérir. Il y a une grande différence entre l’ingestion des aliments et leur digestion, entre le « bourrage de la mémoire » et l’assimilation. Le choix des aliments intellectuels doit être réglé suivant la nature des cerveaux. Il