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seule la retenait, l’empêchait d’agir, d’aller le chercher, de pénétrer chez lui. Il lui semblait voir la maîtresse debout sur la porte et demandant : « Que voulez-vous ici, Madame ? » Sa fierté de mère se révoltait de la possibilité de cette rencontre ; et un orgueil hautain de femme toujours pure, sans défaillances et sans tache, l’exaspérait de plus en plus contre toutes ces lâchetés de l’homme asservi par les sales pratiques de l’amour charnel qui rend lâches les cœurs eux-mêmes. L’humanité lui semblait immonde quand elle songeait à tous les secrets malpropres des sens, aux caresses qui avilissent, à tous les mystères devinés des accouplements indissolubles.

Le printemps et l’été passèrent encore.

Mais quand l’automne revint avec les longues pluies, le ciel grisâtre, les nuages sombres, une telle lassitude de vivre ainsi la saisit, qu’elle se résolut à tenter un grand effort pour reprendre son Poulet.

La passion du jeune homme devait être usée à présent.

Elle lui écrivit une lettre éplorée.


« Mon cher enfant, je viens te supplier de revenir auprès de moi. Songe donc que je suis vieille et malade, toute seule, toute l’année, avec une bonne. J’habite maintenant une petite maison auprès de la route. C’est bien triste. Mais si tu étais là, tout changerait pour moi. Je n’ai que toi au monde et je ne t’ai pas vu depuis sept ans ! Tu ne sauras jamais comme j’ai été malheureuse et combien j’avais reposé mon cœur sur toi. Tu étais ma vie, mon rêve, mon seul espoir, mon seul amour, et tu me manques, et tu m’as abandonnée !