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baronne qui s’effaçait, comme s’efface un souvenir. Et Jeanne se sentait le cœur crispé, noyé de tristesse ; elle se sentait perdue dans la vie, si loin de tout le monde.

Julien reprit : « Moi, je ne demande pas mieux. Je craignais de te déplaire. »

Le soleil se couchait, l’air était doux. Une envie de pleurer oppressait Jeanne, un de ces besoins d’expansion vers un cœur ami, un besoin d’étreindre, en murmurant ses peines. Un sanglot lui montait à la gorge. Elle ouvrit les bras et tomba sur le cœur de Julien.

Et elle pleura. Surpris, il la regardait dans les cheveux, ne pouvant voir le visage caché sur sa poitrine. Il pensa qu’elle l’aimait encore et déposa sur son chignon un baiser condescendant.

Puis ils rentrèrent sans dire un mot. Il la suivit en sa chambre, et passa la nuit avec elle.

Et leurs rapports anciens recommencèrent. Il les accomplissait comme un devoir qui cependant ne lui déplaisait pas ; elle les subissait comme une nécessité écœurante et pénible, avec la résolution de les arrêter pour toujours dès qu’elle se sentirait enceinte de nouveau.

Mais elle remarqua bientôt que les caresses de son mari semblaient différentes de jadis. Elles étaient plus raffinées peut-être, mais moins complètes. Il la traitait comme un amant discret, et non plus comme un époux tranquille.

Elle s’étonna, observa, et s’aperçut bientôt que toutes ses étreintes s’arrêtaient avant qu’elle pût être fécondée.