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ne désireras qu’en mariage seulement. — Vous êtes mariée, n’est-ce pas ? Ce n’est point pour piquer des raves. »

À son tour elle n’avait pas compris d’abord ses sous-entendus ; mais, sitôt qu’elle les pénétra, elle s’empourpra, toute saisie, avec des larmes aux yeux.

« Oh ! monsieur le curé, que dites-vous ? que pensez-vous ? Je vous jure… Je vous jure… » Et les sanglots l’étouffèrent.

Il fut surpris ; et il la consolait : « Allons, je n’ai pas voulu vous faire de peine. Je plaisantais un peu ; ça n’est pas défendu quand on est honnête. Mais comptez sur moi ; vous pouvez compter sur moi. Je verrai M. Julien. »

Elle ne savait plus que dire. Elle voulait maintenant refuser cette intervention qu’elle craignait maladroite et dangereuse, mais elle n’osait point ; et elle se sauva après avoir balbutié : « Je vous remercie, monsieur le curé. »

Huit jours se passèrent. Elle vivait dans une angoisse d’inquiétude.

Un soir, au dîner, Julien la regarda d’une façon singulière avec un certain pli souriant des lèvres qu’elle lui connaissait en ses heures de gouaillerie. Il eut même à son égard une sorte de galanterie imperceptiblement ironique ; et comme ils se promenaient ensuite dans la grande avenue de petite mère, il lui dit tout bas dans l’oreille : « Il paraît que nous sommes raccommodés. »

Elle ne répondit rien. Elle regardait par terre une sorte de ligne droite presque invisible à présent, l’herbe ayant repoussé. C’était la trace du pied de la