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du tube et la mordaient pour ne point lâcher. Et le filet d’eau froide, repris et quitté sans cesse, se brisait et se renouait, éclaboussait les visages, les cous, les habits, les mains. Des gouttelettes pareilles à des perles luisaient dans leurs cheveux. Et des baisers coulaient dans le courant.

Soudain Jeanne eut une inspiration d’amour. Elle emplit sa bouche du clair liquide, et, les joues gonflées comme des outres, fit comprendre à Julien que, lèvre à lèvre, elle voulait le désaltérer.

Il tendit sa gorge, souriant, la tête en arrière, les bras ouverts ; et il but d’un trait à cette source de chair vive qui lui versa dans les entrailles un désir enflammé.

Jeanne s’appuyait sur lui avec une tendresse inusitée ; son cœur palpitait ; ses reins se soulevaient ; ses yeux semblaient amollis, trempés d’eau. Elle murmura tout bas : « Julien… je t’aime ! » et, l’attirant à son tour, elle se renversa et cacha dans ses mains son visage empourpré de honte.

Il s’abattit sur elle, l’étreignant avec emportement. Elle haletait dans une attente énervée ; et tout à coup elle poussa un cri, frappée, comme de la foudre, par la sensation qu’elle appelait.

Ils furent longtemps à gagner le sommet de la montée tant elle demeurait palpitante et courbaturée, et ils n’arrivèrent à Évisa que le soir, chez un parent de leur guide, Paoli Palabretti.

C’était un homme de grande taille, un peu voûté, avec l’air morne d’un phtisique. Il les conduisit dans leur chambre, une triste chambre de pierre nue, mais belle pour ce pays, où toute élégance reste ignorée ; et il exprimait en son langage, patois corse, bouillie de