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bibelots qu’il ait à peine regardé. » Puis, après quelques phrases aimables, il alla s’asseoir auprès de la princesse de Malten, afin de lui faire la cour. Le comte de Bernhaus s’approcha de la maîtresse de la maison, et, prenant un petit tabouret, parut s’affaisser à ses pieds. Mariolle, Massival, Maltry et M. de Pradon continuaient à parler du sculpteur, qui avait fait sur leurs esprits une forte impression. M. de Maltry le comparait aux maîtres anciens, dont toute la vie fut embellie et illuminée par l’amour exclusif et dévorant des manifestations de la Beauté ; et il philosophait là-dessus, avec des phrases subtiles, justes et fatigantes.

Massival, las d’écouter parler d’un art qui n’était point le sien, se rapprocha de Mme  de Malten et s’assit auprès de Lamarthe, qui lui céda bientôt la place pour aller rejoindre les hommes.

— Partons-nous ? dit-il à Mariolle.

— Oui, bien volontiers.

Le romancier aimait parler, la nuit, sur les trottoirs, en reconduisant quelqu’un. Sa voix brève, stridente, mordante, semblait s’accrocher et grimper aux murs des maisons. Il se sentait éloquent et clairvoyant, spirituel et imprévu en ces tête-à-tête nocturnes, où il monologuait plutôt qu’il ne causait. Il y obtenait pour lui-même des succès d’estime qui lui suffisaient, et il se préparait un bon sommeil par cette légère fatigue des poumons et des jambes.