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jardin, assez vaste et coquet, débris d’un ancien parc, contenant quelques grands et vieux arbres, des bosquets épais simulant un bois, deux salles vertes, deux gazons et des chemins tournant à travers les massifs, l’horticulteur du voisinage avait déjà planté des rosiers, des œillets, des géraniums, du réséda, vingt autres sortes de ces plantes dont on hâte ou dont on retarde l’épanouissement avec des soins attentifs, afin de pouvoir faire en un seul jour un parterre fleuri d’un champ inculte.

Mariolle fut joyeux comme s’il venait de remporter un nouveau succès auprès d’elle, et, ayant obtenu le serment du tapissier que tous les meubles seraient en place le lendemain avant midi, il s’en alla par divers magasins, acheter des bibelots pour fleurir aussi le dedans de cette demeure. Il choisit pour les murs ces admirables photographies qu’on fait aujourd’hui des tableaux célèbres, pour les cheminées et les tables des faïences de Deck et quelques-uns de ces objets familiers que les femmes toujours aiment à trouver sous leur main.

Il dépensa dans sa journée deux mois de son revenu, et il le fit avec un plaisir profond en songeant que depuis dix ans il avait sans cesse économisé, non par amour de l’épargne, mais par absence de besoins, ce qui lui permettait maintenant de se conduire en grand seigneur.

Dès le matin, le jour suivant, il revint à ce pavillon, présida à l’arrivée des meubles, à leur place-