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— J’ai soif !

Julien alla chercher sa cruche ; et, comme il la prenait, il en sortit un arôme qui dilata son cœur et ses narines. C’était du vin ; quelle trouvaille ! mais le lépreux avança le bras et d’un trait vida toute la cruche.

Puis il dit :

— J’ai froid !

Julien, avec sa chandelle, enflamma un paquet de fougères, au milieu de la cabane.

Le Lépreux vint s’y chauffer ; et, accroupi sur les talons, il tremblait de tous ses membres, s’affaiblissait ; ses yeux ne brillaient plus, ses ulcères coulaient, et, d’une voix presque éteinte, il murmura :

— Ton lit !

Julien l’aida doucement à s’y traîner, et même étendit sur lui, pour le couvrir, la toile de son bateau.

Le lépreux gémissait. Les coins de sa bouche découvraient ses dents, un râle accéléré lui secouait la poitrine, et son ventre, à chacune de ses aspirations, se creusait jusqu’aux vertèbres.

Puis il ferma les paupières.

— C’est comme de la glace dans mes os ! Viens près de moi !

Et Julien, écartant la toile, se coucha sur les feuilles mortes, près de lui, côte à côte.