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NOTES
milieu est à refaire tout entier. Je biffe les mouvements extra-lyriques. Enfin j’espère rendre cela lisible et pas trop embêtant. Nous en causerons très sérieusement en vacances, car c’est une chose qui me pèse sur la conscience, et je n’aurai un peu de tranquillité que quand je serai débarrassé de cette obsession. » (Voir Correspondance, III, p. 54.)

Il détruit tout ce qui révèle sa personnalité, tout ce que par instinct il a tracé d’une allure endiablée ; mais le fait de travailler sur son ancien manuscrit lui rend-il plus pénible l’abandon de certains fragments ? toujours est-il qu’il est perdu dans ce travail de simplification. « Prenant un sujet où j’étais entièrement libre comme lyrisme, mouvements, désordonnements, je me trouvais alors bien dans ma nature et je n’avais qu’à aller. Jamais je ne retrouverai des éperdument de style comme je m’en suis donné là pendant dix-huit grands mois. » (Lettre à Louise Colet, voir Correspondance, II, p. 85.) Sur une feuille il note : « la mort : à supprimer autant que possible les effets non directs, ce qui peut agir comme persuasion, par conséquent les tableaux (les danses). Avoir soin d’observer la logique des faits, qu’ils soient amenés. Ainsi les visions de la 2e partie doivent être dérivées 1o des réflexions d’Antoine, 2o des péchés, 3o des faiblesses et fautes d’Antoine. La Paresse doit réclamer contre l’action et pousser au mysticisme dangereux ». Vers le milieu du mois d’août il semble dominer les difficultés. « Je travaille comme un bœuf à Saint Antoine. Je passe mes après-midi avec les volets fermés, les rideaux tirés, et sans chemise, en costume de charpentier. Je gueule ! je sue ! c’est superbe. Il y a des moments où décidément c’est plus que du délire. » (Lettre à Louis Bouilhet, Correspondance, III, p. 61.) Mais huit jours après les inquiétudes renaissent : « Me revoilà n’y comprenant plus rien ». Enfin, vers la fin de septembre, il annonce qu’il a « tout récrit, à part deux ou trois pages » et à Jules Duplan, dès les premiers jours d’octobre, il dit : « J’ai, cet automne, beaucoup travaillé à ma vieille toquade de Saint Antoine ; c’est récrit à neuf d’un bout à l’autre, considérablement diminué, refondu. J’en ai peut-être encore pour un mois de travail ». Peu à peu l’œuvre lui apparaît avec plus d’unité et il écrit à Louis Bouilhet : « Une chose me console : la pensée de ton succès, et puis l’espoir que Saint Antoine a maintenant un plan ; cela me semble beaucoup plus sur ses pieds que la Bovary ». Et il préfère Saint Antoine à Madame Bovary parce qu’il s’y retrouve tout entier.

Quoique surpris et inquiété par les poursuites relatives à Madame Bovary, il n’abandonne pas Saint Antoine, dont la 2e version est terminée. Théophile Gautier, indigné du procès intenté à Flaubert, lui offre de publier des fragments de la Tentation dans l’Artiste, qu’il dirige : « Fais recopier, lui écrit-il, le