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le cochon
se réjouissant.

Ah ! quel bon soleil ! j’avais si peur dans la nuit !

le diable
d’une voix forte.

L’heure a sonné ! il nous faut partir !

La Mort remonte à cheval ; les Péchés ont disparu.
antoine
lève les bras au ciel ; les larmes coulent de ses yeux ; il s’écrie :

Ah ! merci ! merci, Seigneur !

le diable
se retourne d’un bond et lui dit :

Qu’importe ? puisque les péchés sont dans ton cœur, et que la désolation roule dans ta tête !… Serre ton cilice, jeûne, déchire-toi, ravale-toi ! Cherche les paroles les plus saintes, les pénitences les plus dures, et tu sentiras courir dans ta chair meurtrie des effluves de volupté. Ton estomac vide appellera les festins, et les mots de la prière se changeront sur ta bouche en exclamations de désespoir. La satisfaction de tes mérites te gonflera d’orgueil, la fatigue de ta vertu te sifflera l’envie ! Quand la concupiscence des choses t’aura quitté, alors arriveront les convoitises de l’esprit, et tu battras avec ta tête les pierres de l’autel, tu baiseras ta croix, mais la flamme de ton cœur n’échauffera point son métal ! Tu chercheras un couteau : je reviendrai, je reviendrai !…

antoine
priant.

Comme il te plaira, Seigneur !

le diable
en riant, s’éloigne.

Hah ! hah ! hah !