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son palais, sous un pavillon de brocart vert, un éléphant gigantesque, que ses femmes s’amusaient à parfumer. Il avait autour des défenses des colliers d’or et, sur l’un d’eux on lisait : « Le fils de Jupiter a consacré Ajax au Soleil. » C’était l’éléphant de Porus, qui s’était enfui de Babylone après la mort d’Alexandre.

damis.

Et qu’on avait retrouvé dans une forêt.

antoine.

Ils parlent abondamment, comme des gens ivres.

apollonius.

Phraortes nous fit asseoir à sa table. Elle était couverte de grands oiseaux. Il y avait de gros fruits sur des feuilles larges, des antilopes avec leurs cornes.

damis.

Quel drôle de pays ! Les seigneurs, tout en buvant, s’amusent à lancer des flèches sous les pieds d’un enfant qui danse. — Mais je n’approuve pas ce plaisir-là : il en pourrait résulter des malheurs.

apollonius.

Quand je fus prêt à partir, le roi me donna un parasol et il me dit : « J’ai sur l’Indus un haras de chameaux blancs. Lorsque tu n’en voudras plus, souffle-leur dans les oreilles, ils reviendront. »

Nous descendîmes le long du fleuve, marchant la nuit à la lueur des lucioles qui brillaient dans les bambous. L’esclave sifflait un air, pour écarter les serpents, et nos chameaux se courbaient les reins en passant sous les arbres, comme sous des portes trop basses.

Un jour, un enfant noir, qui tenait à sa main un caducée d’or, nous conduisit au collège des sages. Iarchas, leur chef, me parla de mes ancêtres, de toutes mes pensées, de toutes mes actions, de toutes mes existences. Il avait été le fleuve Indus, et il me rappela que j’avais conduit des barques sur le Nil, au temps du roi Sésostris.

damis.

Mais moi, on ne me dit rien, de sorte que je ne sais pas qui j’ai été.