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se relever, le lichen comme une dartre a poussé sur ma gueule ; à force de songer, je n’ai plus rien à dire.

la chimère.

Tu mens, Sphinx hypocrite ! J’ai vu ta virilité cachée. D’où vient toujours que tu m’appelles et me renies ?

le sphinx.

C’est toi, caprice indomptable, qui glisses et tourbillonnes.

la chimère.

Est-ce ma faute ? Par où ? Comment ? Laisse-moi faire.

Elle aboie :

Houahô ! houahô !

le sphinx.

Tu remues, tu m’échappes…

Il grogne.

Hoeum ! hoeum !

la chimère.

Essayons !… tu m’écrases !

Elle aboie.

Houahô ! houahô !

La Chimère aboie, le Sphinx gronde, des papillons énormes se mettent à bourdonner dans l’air, des lézards s’avancent, des chauves-souris voltigent en faisant des cercles avec leurs petits, les crapauds sautent et roulent leurs gros yeux, des lucioles brillent, des vipères sifflent, des chenilles rampent, de grandes araignées marchent.
antoine
épouvanté.

Une terreur horrible me pénètre. Oh ! j’ai froid ! ma peau tremble sur mon corps !… comme il y en a ! on dirait une pluie qui suinte à larges gouttes ; il y en a par terre des traînées visqueuses avec des baves qui luisent.