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antoine.

Ah ! j’ai bien peur ! leurs yeux brillent dans la nuit comme ceux des chats sauvages.

la foi.

Je suis là ! j’y suis toujours !

l’espérance.

Encore un moment ! la tentation précède le repos, le combat est avant la victoire.

les péchés.

Mais l’Espérance, comme un bouclier, étale devant nous le pan de sa tunique ! Tu sais, ô Père, qu’elle est comme toi, qu’elle bouche les oreilles et qu’elle aveugle les yeux.

le diable
rugissant.

Où sont donc vos masques, vos poignards et vos flambeaux ? Allons donc ! allons donc !

les péchés.

Oui ! c’est pour cette fois. Entrons ! entrons !

une voix d’enfant.

Mère ! mère ! attends-moi !

On voit accourir la Science, enfant en cheveux blancs, à la tête démesurée et aux pieds grêles.
l’orgueil.

Ah ! c’est toi, petit ! bonjour !

les péchés.

Bonjour, petit. Te voilà ? tu pleures donc toujours ?

la science.

Attends-moi, mère, donne-moi la main, j’ai couru longtemps, je suis tout essoufflé, je boite.

L’Orgueil lui donne la main, le traîne après elle à tous les mouvements en marchant.