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antoine.

Sainte Trinité, sauvez-moi !

apollonius.

Veux-tu que je te montre Jérusalem toute éclairée pour le sabbat ?

antoine.

Jésus ! Jésus ! à mon aide !

apollonius.

Veux-tu que je te fasse apparaître Jésus ?

antoine
hébété.

Quoi ? quoi ?

apollonius.

Oui… ici… là… ce sera lui, bien lui, pas un autre. Tu verras les trous de ses mains et au flanc gauche le sang figé sur la blessure ; il brisera sa croix, il jettera sa couronne, il maudira son Père, il m’adorera le dos courbé.

damis
bas à Antoine.

Dis que tu veux bien ! dis que tu veux bien !

antoine
passe la main sur sa figure, promène un regard égaré de tous côtés, puis l’arrêtant sur Apollonius.

Va-t’en, va-t’en, va-t’en, maudit ! retourne en enfer !

apollonius
furieux.

J’en arrive, j’en suis sorti pour t’y conduire ; on t’y attend, les cuves de nitre bouillonnent sur les charbons, les dents d’acier claquent de faim, et les ombres curieuses se pressent aux soupiraux pour te voir passer.