Page:Gustave Flaubert - La Tentation de Saint-Antoine.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vêtements l’un après l’autre, d’abord le manteau, puis la ceinture, la première tunique, la seconde plus légère, tous ses colliers ; et la vapeur du cinnamome enveloppe ses membres nus. Elle se couche enfin sur la tiède mosaïque. Sa chevelure à l’entour de ses hanches fait comme une toison noire, — et suffoquant un peu dans l’atmosphère trop chaude, elle respire, la taille cambrée, les deux seins en avant. Tiens !… Voilà ma chair qui se révolte ! Au milieu du chagrin la concupiscence me torture. Deux supplices à la fois, c’est trop ! Je ne peux plus endurer ma personne !

Il se penche et regarde le précipice.

L’homme qui tomberait serait tué. Rien de plus facile, en se roulant sur le côté gauche ; c’est un mouvement à faire ! un seul.

Alors apparaît
une vieille femme.
Antoine se relève dans un sursaut d’épouvante. — Il croit voir sa mère ressuscitée.
Mais celle-ci est beaucoup plus vieille, et d’une prodigieuse maigreur.
Un linceul, noué autour de sa tête, pend avec ses cheveux blancs jusqu’au bas de ses deux jambes, minces comme des béquilles. L’éclat de ses dents, couleur d’ivoire, rend plus sombre sa peau terreuse. Les orbites de ses yeux sont pleins de ténèbres, et au fond deux flammes vacillent, comme des lampes de sépulcre.

Avance, dit-elle. Qui te retient ?

antoine
balbutiant :

J’ai peur de commettre un péché !