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Et au milieu d’une chambre, sur une estrade, se découvre un lit d’ivoire, environné par des gens qui tiennent des torches de sapin.

Ce sont les dieux du mariage. Ils attendent l’épousée !

Domiduca devait l’amener, Virgo défaire sa ceinture, Subigo l’étendre sur le lit, — et Praema écarter ses bras, en lui disant à l’oreille des paroles douces.

Mais elle ne viendra pas ! et ils congédient les autres : Nona et Decima gardes-malades, les trois Nixii accoucheurs, les deux nourrices Educa et Potina, — et Carna berceuse, dont le bouquet d’aubépines éloigne de l’enfant les mauvais rêves.

Plus tard, Ossipago lui aurait affermi les genoux, Barbatus donné la barbe, Stimula les premiers désirs, Volupia la première jouissance, Fabulinus appris à parler, Numera à compter, Camœna à chanter, Consus à réfléchir.

La chambre est vide ; et il ne reste plus au bord du lit que Nænia, — centenaire, — marmottant pour elle-même la complainte qu’elle hurlait à la mort des vieillards.
Mais bientôt sa voix est dominée par des cris aigus. Ce sont :
les lares domestiques
accroupis au fond de l’atrium, vêtus de peaux de chien, avec des fleurs autour du corps, tenant leurs mains fermées contre leurs joues, et pleurant tant qu’ils peuvent.

Où est la portion de nourriture qu’on nous donnait à chaque repas, les bons soins de la servante, le sourire de la matrone, et la gaieté des petits garçons jouant aux osselets sur les mo-