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des mains qui laissaient tomber des lis et des roses à travers les meurtrières des tours.

Le jeune Richard, fils du duc Guillaume assassiné en Flandre, alla au-devant de lui. Il était âgé de 12 ans, et c’était un bel enfant aux cheveux blonds, aux yeux tendres, au teint pâle ; pourtant il montait habilement sa jument noire, et sa main portait fort bien une grande épée, qu’il abaissa devant le roi, comme vassal et sujet.

— Pauvre enfant ! dit Louis IV en l’embrassant et en versant une larme que chacun vit couler sur sa joue, je viens ici pour vous venger de la mort de Guillaume.

Le peuple sautait de joie, il bondissait, il dansait, et ses bras tatoués jetaient des couronnes qui tombaient sur Le casque du monarque. N’est-ce pas que tout ce peuple, suspendu à chaque sculpture, à chaque pignon de maison, à chaque proéminence d’église, de rue, de muraille, n’est-ce pas que toute cette multitude enfin, bénissant un seul homme, avait quelque chose d’auguste et de solennel ?

Le ciel était pur, éclairé, quelques étoiles commençaient à y briller, l’air embaumait des fleurs que l’on avait jetées aux pieds des chevaux, et les eaux de la Seine étaient calmes et paisibles ; le peuple chantait toujours des cris d’allégresse. Oh ! c’était un beau jour ! La lune vint reluire sur les armes des chevaliers tout couverts de poussière, ce qui les fit paraître d’argent, et le roi entra à l’hôtel de ville.

— Vous coucherez avec nous, dit-il au jeune duc en entrant sous le portique de la salle basse ; veillez, messire bailli, à ce que tout soit prêt dans notre appartement commun.

Minuit arriva, et Richard dormait d’un sommeil paisible auprès de Louis ; celui-ci, appuyé sur Le balcon, regardait attentivement les dernières lumières de la ville, qui s’éteignaient les unes après les autres ;