diable, il fait grâce à ses ennemis, et sur ses vieux jours il se retire dans le manoir des Thélémites.
Dans le roman de Gargantua le caractère du héros domine presque exclusivement, les autres sont accessoires et vaguement définis. C’est surtout la force et la vigueur qui prédominent : ce sont de joyeux buveurs aux propos libertins, à la saillie franche, avec moins de malice sceptique et de satire mordante que dans Pantagruel ; Gargantua, c’est tout entier l’homme de guerre tel qu’il pouvait l’être vers 1520, il commence à abandonner l’épée pour la plume, la cuirasse pour le bonnet.
Pantagruel a une généalogie avouée, inscrite, il est fils de tous les rois : tous les géants, tous les grands hommes mèdes, persans, juifs, romains, grecs, héros antiques, paladins du moyen âge, tous sont ses pères ; son propre père, Gargantua, avait, lors de sa naissance, quatre cent quatre-vingt-quatre et quarante-quatre ans. Sa femme mourut en mal d’enfant ; pour baptiser Pantagruel on employa l’eau de tout le pays, qui fut 36 mois 7 semaines 4 jours 13 heures et quelque peu davantage sans pluie.
Gargantua ne sait s’il doit se réjouir de la naissance de son fils ou se désoler de la mort de sa femme ; tour à tour il rit, il pleure, il s’écrie : « Ah pauvre Pantagruel ! tu as perdu ta bonne mère, ta douce nourrice, ta dame très aimée. Ha faulse mort ! tant tu me es malivole, tant tu me es outrageuse de me tollir celle à laquelle immortalité appartenait de droit » ; et ce disant pleurait comme une vache, mais tout souldain riait comme ung veau quand Pantagruel lui venait en mémoyre. « Oh ! mon petit-fils, disait-il, mon couillon, mon peton, que tu es joly, tant je suis tenu à Dieu de ce qu’il m’a donné ung si beau fils tant joyeux, tant riant, tant joly ! Ho ! ho ! ho ! que je suis ayse, buvons, ho ! laissons toute mélancholye, apporte du meilleur, rince les verres, boutte la