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LES FUNÉRAILLES
DU
DOCTEUR MATHURIN[1]

Pourquoi ne t’offrirais-je pas encore ces nouvelles pages, cher Alfred ?[2]

De tels cadeaux sont plus chers à celui qui les fait qu’à celui qui les reçoit, quoique ton amitié leur donne un prix qu’ils n’ont pas. Prends-les donc comme venant de deux choses qui sont à toi : et l’esprit qui les a conçues, et la main qui les a écrites.

Se sentant vieux, Mathurin voulut mourir, pensant bien que la grappe trop mûre n’a plus de saveur. Mais pourquoi et comment cela ?

Il avait bien 70 ans environ. Solide encore malgré ses cheveux blancs, son dos voûté et son nez rouge, en somme c’était une belle tête de vieillard. Son œil bleu était singulièrement pur et limpide, et des dents blanches et fines sous de petites lèvres minces et bien ciselées annonçaient une vigueur gastronomique rare à cet âge, où l’on pense plus souvent à dire ses prières et à avoir peur qu’à bien vivre.

Le vrai motif de sa résolution, c’est qu’il était malade et que tôt ou tard il fallait sortir d’ici-bas. Il aima mieux prévenir la mort que de se sentir arraché par elle. Ayant bien connu sa position, il n’en fut ni

  1. Août 1839.
  2. Alfred Le Poittevin