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pas pour la démolition des cathédrales sans craindre qu’on les appelle carlistes ; mais bientôt vous vous arrêtez tout court ou vous vous avouez vaincu, car ceux-là sont des gens sans principes qui regardent la vertu comme un mot, le monde comme une bouffonnerie. De là ils partent pour tout considérer sous un point de vue ignoble ; ils sourient aux plus belles choses, et quand vous leur parlez de philanthropie, ils haussent les épaules et vous disent que la philanthropie s’exerce par une souscription pour les pauvres. La belle chose qu’une liste de noms dans un journal !

Chose étrange que cette diversité d’opinions, de systèmes, de croyances et de folies ! Quand vous parlez à certaines gens, ils s’arrêtent tout à coup effrayés et vous demandent : Comment, vous nieriez cela ? vous douteriez de cela ? peut-on révoquer le plan de l’univers et les devoirs de l’homme ? Et si malheureusement votre regard a laissé deviner un rêve de l’âme, ils s’arrêtent tout à coup et finissent là leur victorieuse logique, comme ces enfants effrayés d’un fantôme imaginaire et qui se ferment les yeux sans oser regarder. Ouvre-les, homme faible et plein d’orgueil, pauvre fourmi qui rampes avec peine sur ton grain de poussière ; tu te dis libre et grand, tu te respectes toi-même, si vil pendant ta vie, et par dérision sans doute tu salues ton corps pourri qui passe. Et puis tu penses qu’une si belle vie, agitée ainsi entre un peu d’orgueil que tu appelles grandeur et cet intérêt bas qui est l’essence de ta société, sera couronnée par une immortalité. De l’immortalité pour toi, plus lascif qu’un singe, et plus méchant qu’un tigre, et plus rampant qu’un serpent ? Allons donc ! faites-moi un paradis pour le singe, le tigre et le serpent, pour la luxure, la cruauté, la bassesse, un paradis pour l’égoïsme, une éternité pour cette poussière, de l’immortalité pour ce néant. Tu te vantes d’être libre, de pouvoir