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satan.

Tu fus vertueux ? Peux-tu prier le Dieu qui te fait souffrir ?

le pauvre.

Oh ! la mort ! la mort ! je l’ai appelée longtemps, elle viendra.

satan.

Abjure tes vertus comme tes haillons, l’un et l’autre font rougir dans le monde. Marche ! tu es pauvre, mais tu peux devenir riche, riche à millions, à rouler sur l’or.

la mort.

Me voilà, infortuné ! tu m’as appelée, je suis venue ; tes yeux vont se fermer dans la nuit, tes bras vont se reposer, tes tentations et tes supplices, tout va finir ; je suis la Mort, la porte commune d’où la vie s’élance à flots dans le néant.

le pauvre.

La mort ! sitôt ! Oh ! laisse, je pourrais peut-être devenir riche et vivre heureux ; laisse-moi une minute de bonheur.

la mort.

Mais tu te damnes pour l’éternité.

le pauvre.

Ce n’est pas le sommeil que je veux, c’est la vie, une vie pleine de délices, de richesses, de fêtes.

la mort.

Vanité ! vanité.

le pauvre.

Oui ! prends mon avenir, mais encore quelques jours ! Oh ! laisse-moi la vie !