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Au delà des mers, bien loin, ils s’arrêtèrent.

Le fils de Dieu était triste, il avait dans l’âme une peine infinie, douce et vaste comme son cœur ; les larmes qui tombaient de l’azur de ses yeux répandaient un parfum céleste, comme la pluie d’été qui embaume la terre et la fait respirer des zéphirs de fleurs.

Satan avait abattu un moment son regard, mais quand il le releva, le Christ sentit qu’il devait brûler les âmes. On entendait battre quelque chose sous sa poitrine creuse, mais ce n’était que le vent des déserts qui passait dans son corps et sortait en râle sous ses dents noircies.

Une voix douce comme le battement d’ailes de la colombe, comme la brise amoureuse se berçant sur les vagues bleues des mers du Sud, comme le bruissement de la feuille verte, comme le ruisseau sur la mousse, comme l’air berçant les fleurs au clair de lune, s’échappa vers les nues, monta au ciel et ne laissa derrière elle qu’un sillon d’harmonie, qui vibra longtemps et mourut lentement comme le soleil doré qui se couche derrière les vagues.

I

Ô mes séraphins, ô mes anges aux ailes d’azur, aux joues blanches, à moi mes saints ! Ô mon paradis, si plein d’amour qu’il fume comme l’encensoir !

Ôh ! chantez sur vos harpes d’or, ne vous lassez pas, car puissiez-vous faire descendre jusque sur la terre vos célestes mélodies, pour ranimer la foi fanée comme une fleur qui a trop vécu. Que de vos lèvres découlent les choses qui ravissent et fassent aimer ! Que de votre cœur s’épanche un parfum qui embaume les âmes et les endorme dans l’amour !

Et aussitôt, un cri, comme le serpent qui siffle et mord, comme la tempête qui hurle et écume, comme