Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/435

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

din, quand les arbres touffus donnaient au fond une grande masse noire de verdure et d’ombrage ?

Où sont nos robes de fêtes ? Mais elles sont usées, la terre les a gâtées ; secouons-la, car nous allons danser. Mes sœurs, à la danse ! j’entends le musicien qui joue du violon et qui bat la mesure en broyant quelque chose comme des verres brisés, dansons.

II

Et cependant je voudrais m’asseoir sur cette herbe, me mouiller dans sa rosée, car j’ai chaud, ma peau brûle ; mais je n’ai plus de peau et il n’y a que mes colliers et mes pendants d’oreilles qui résonnent sur ma poitrine quand je m’avance. Mes sœurs, où est donc celui qui nous souriait ? l’avez-vous vu ? dort-il comme nous ?

Où sont nos amours, nos fleurs, nos parfums, nos soupirs du soir ?

Où est la tonnelle de jasmin où il m’embrassa ?

Où est le bal enivrant, avec ses flots de lumière et ses éclats d’or ?

Où est la vie ?

Mais voilà la danse.

Dansons !

III

Non ! laissez-moi, je voudrais savoir combien j’ai dormi sans m’éveiller.

Il m’a semblé cependant qu’on s’asseyait sur moi, et qu’on pleurait ; étaient-ce des larmes ou les gouttes d’eau de la tempête ?

On nous entraîne.

Dansons !

Et ils allèrent ainsi longtemps.

Qui aurait pu mesurer en effet la longueur de cette course, faite par un dieu et un démon ?