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V

Ils s’arrêtèrent dans la campagne, au cimetière d’un village, et s’assirent sur une pierre brisée, verdâtre, couverte de mousse, toute tapissée de verdure.

C’était la nuit, l’été, à mi-côte, près du bois, où les feuilles frémissaient quand l’oiseau revenait à son lit, emportant à son bec un morceau de viande déterré des champs ; leurs feuilles argentées par la lune, belle et pure sur son fond d’étoiles, frémissaient doucement, comme si une bouche disant des mots d’amour eût parlé ; alentour le vent soufflait sur les fleurs qui se penchaient sur l’herbe pleine de rosée et de parfums ; le vent roulait dans l’air comme un doux soupir échappé des lèvres et qui part, il faisait remuer l’ombre des cyprès, parlant bas dans leurs feuillages aux tombes couchées à leurs pieds ; quelque chose de suave comme un regard et d’embaumant comme un baiser parcourait les bois, se couchait sur la pelouse, s’agitait aux branches des arbres et s’étendait dans l’air ; on eût dit une âme qui s’était couchée sur la terre.

Pas un bruit, pas un murmure, rien du monde que les morts qui dormaient sous les fleurs.

L’herbe était haute et nourrie ; la terre, couverte de parfums, de verdure, d’ombrages, de silence et de repos, était tiède et chaude ; les morts dormaient sous des linges parfumés.

Oh ! la belle nuit d’été, silencieuse, et avec ses étoiles, sa lune blanche, son tapis vert, ses fleurs jaunes dont l’odeur s’échappait comme des haleines embaumées ! et là, le repos, la tombe, les morts.

Le néant et des fleurs.

— Oh ! je t’aime, dit le Christ, douce et pleine d’harmonie, tranquille en ton sommeil, dormant comme un enfant ; c’est ainsi que je t’ai vue de mon