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inconnus ; et les planètes couraient emportées par l’ouragan, avec leurs robes d’étoiles qui se traînaient derrière elles. On eût dit des reines folles et éperdues qui couraient sur un tapis de velours bleu.

Partout le firmament étincelait de mille clartés ; les étoiles, fixes sur leur base de diamant, scintillaient sur la pureté de l’azur ; et tout cela cependant tournait, marchait dans une course gigantesque, immense, infinie. Et bien bas, à cette place du vide où rien ne brille plus, où les nuages glissent et roulent sur eux-mêmes, on voyait un point noir plein de ténèbres ; c’était la terre : une sphère ronde, noircie au dehors, glissante, difficile et froide comme un verre vidé ; au dedans, le vide.

Des âmes montaient au ciel avec leurs ailes blanches qui volaient ainsi ; elles chantaient, et leur voix arrivant vers les saints, semblait comme une hymne d’amour venue du lointain et qui, dans sa course éthérée, emporte avec elle des zéphirs suaves et doux et des parfums partis du cœur.

ÂMES QUI MONTENT AU CIEL.

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Courage, mes sœurs ! nous volons depuis longtemps et cependant je n’ai rien vu encore, rien que la lune se baignant dans ses flots d’azur, rien que ses reflets bleus qui nous éclairent ; rien entendu, rien que des voix confuses parties de l’abîme.

Et nous sommes heureuses, n’est-ce pas, d’être ainsi libres de partir sans frein, comme les soupirs qui s’envolent ou comme les chants qui montent ; nous sommes heureuses, car rien ne nous retient. Pauvres fleurs que nous étions, resserrées sous la terre, maintenant notre parfum s’émane.