Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/382

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de moi, car au fond de ma vie il y a un crime. Parfois, vois-tu, Henri vient coucher dans ma couche, il m’embrasse, mais sa peau est froide comme un cadavre, sa bouche mord, ses lèvres ont du sang, et je suis venue ici, vieille n’est-ce pas ? te voir encore, Louis XI.

Louis XI

Que faire ?

Alice

Non, je suis folle, j’avais cru !

Louis XI

Que je t’aimais, n’est-ce pas ? mais je t’avais déjà dit que j’avais menti, que j’avais pressuré ton cœur pour en faire sortir le poison mortel de mon frère, et maintenant que je n’ai plus besoin de toi, adieu ! (À part.) Cette femme-là a des secrets terribles. (Haut.) Tristan ! Tristan ! (Il paraît.) Voilà une femme qui s’est déclarée coupable de l’empoisonnement de M. de Guyenne, vite !

Alice

Louis, Louis, je t’aime encore, je t’aime !

Louis XI

Et moi je te hais. (À Tristan.) Dis à Coitier de venir, je me sens plus mal.


Scène III

LOUIS XI, seul.

Mais je ne sais pourquoi il faut les appeler toujours, car ils me quittent. On dirait qu’ils veillent sur un mourant et que ses dernières grimaces les effraient. Mourir ! si j’allais mourir ! l’horrible chose que ce vide-là, tout plein de ténèbres !… C’est que je me sens plus mal, en