Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
337
LOYS XI.

Olivier le Daim

Comptez sur moi, sire, j’ai la langue discrète, l’esprit subtil et le bras fort.


SECOND TABLEAU

Une chapelle dédiée à Notre-Dame de Bon-Secours, au milieu d’une forêt. Dans le fond un autel, surmonté de la niche et de la statue d’une Vierge au manteau d’azur parsemé d’étoiles ; à ses pieds, une lampe qui brûle ; à la droite de la Vierge, une fenêtre en ogives à vitraux de couleurs. Demi-jour.



Scène première

LOUIS seul, à genoux devant un prie-Dieu ; il reste quelques instants en silence, puis il lève la tête ; son chaperon est à ses côtés et il a seulement sur la tête un capuchon de drap noir.

Il me semble déjà entendre leurs pas, bientôt ils vont venir m’annoncer sa mort, car il va mourir… Mais quand donc ? Oh ! l’angoisse ! Je souffre plus que lui, et peut-être maintenant il râle et meurt… Olivier est un homme habile, qui n’aura pas laissé échapper les circonstances. Et puis nous avons deux hommes, De la Roche et le curé d’Angely, que le diable enlèvera avant peu… Cependant si sa maladie était vraie, s’il en réchappait, si le hasard seul m’avait trompé !… Non, c’est impossible… Et puis j’ai placé à ses flancs cette femme jalouse et sombre, cet ange devenu démon, qui l’entraîne dans le gouffre. Oui, j’ai bien fait, toutes mes mesures étaient trop bien prises pour qu’il ne meure pas ; mais que de soins et que d’argent ! Sa statue est toute lardée de coups de stylet, j’aurais dû empoisonner la lame, cela est plus sûr, plus infaillible. Mais il en est encore temps… Si l’on tarde trop… et puis au lieu d’un Ave, je ferais bien d’en dire cinq… Il est mort, oh ! oui ! Angelo me l’a promis et je le paie assez pour qu’il ne me trompe pas. (Il se ragenouille.)