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Une femme, à Vanderiesche.

Bonne matinée, monsieur !

Cousinot, à un homme.

Eh ! camarade, que s’est-il passé dans votre quartier cette nuit ?

L’homme

Nous avons bu dans les cabarets en chantant de vieux refrains.

Un autre homme

La maison de Charles a été illuminée toute la nuit, un palefrenier m’a dit qu’il était dans une grande fureur.

Cousinot

Après tout, c’est un bon diable d’homme ; c’est à ses gens que nous en voulons.

Vanderiesche, à part.

Est-ce qu’il gâterait tout, lui ? Oh ! non, lui, c’est bien à lui que nous en voulons nous autres. (Haut.) Tous les impôts dont il nous accable, c’est pour nourrir ses chevaux et ses chiens de chasse ; il met un impôt sur le blé, il ne veut pas que nous manquions de pain ; sur le sel aussi, il faut assaisonner nos légumes avec nos pleurs ! Hier, les archers ont renversé la châsse de saint Liévin, car ces gens-là ne croient ni aux saints, ni à Dieu, ni au pape ; mais il Faut les renverser à leur tour.

Un tonnelier, sortant de la foule.

C’est ce que j’ai toujours dit, morbleu ! je suis bâtard, mais j’ai du cœur. Enfant, tout en tournant mes cerceaux je pensais à ces armures, à ces armes qui vous écrasent comme sur un moulin, à leurs blasons dorés, à leurs hommes d’armes et à leur valetaille ; j’enviais tout cela, et je le méprise maintenant, et quand je vois,