Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/161

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’eût répondu notre homme du cercueil, si quelque maladroit lui eût demandé son avis sur la bonté de Dieu ? Eût-il répondu : peut-être ? existe-t-elle ? que sais-je ?

Pour moi, je pense qu’il eût dit : j’en doute ou je la nie.

Et si le même malotru eût continué ses sottes questions, en lui représentant la bonté de ce même Dieu miséricordieux, il aurait envoyé au Diable l’escogriffe en lui répondant : Bran, comme dit Pantagruel festoyant et troublé par l’arrivée de Panurge ; et notre homme eût bien fait, car lorsqu’on crève ainsi, écorché d’âme, autant encore jurer après l’équarrisseur.

Or, de ceci je conclus provisoirement : qu’il ne faut point troubler les mourants dans leur agonie, les morts dans leur sommeil, les amants au lit, les suceurs du piot devant Dame-Jeanne, et le Père éternel dans ses bêtises.

J’engage aussi, et voilà toute la moralité de cette sotte œuvre, j’engage donc, ayant trouvé la conduite du sus-écrit docteur louable et bonne, j’engage tous les marmots à jeter la galette à la tête du pâtissier lorsqu’elle n’est point sucrée, les suceurs du piot leur vin quand il est mauvais, les mourants leurs âmes quand ils crèvent, et les hommes leur existence à la face de Dieu lorsqu’elle est amère.