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nemi de celui qui l’avait plusieurs fois racheté de la mort. Il s’allia à l’archidiacre de la cité qui, se jugeant digne de l’épiscopat, fit le complot d’assassiner l’évêque. On paya un clerc qui devait le frapper d’une hache, et tous ces gens commençaient déjà à tenir des discours, à parler bas, à lier des intrigues, offrant des récompenses pour engager, si l’évêque mourait, à mettre l’archidiacre à sa place. Mais la miséricorde de Dieu l’emporta sur leur perfidie, et sa bonté se hâta de réprimer la cruauté des méchants. Un jour que l’évêque rassemblait ses ouvriers dans un champ qu’il voulait faire labourer, le clerc dont j’ai parlé le suivait avec une hache, sans qu’il y prit garde aucunement. Cependant, s’en étant aperçu : « Pourquoi donc, lui dit-il, me suis-tu si assidûment avec cette hache ? » L’autre saisi de frayeur se jeta à ses genoux, disant : « Prends courage, ô prêtre de Dieu ; car tu sauras que j’ai été envoyé par l’archidiacre et le précepteur pour te frapper de cette hache. J’ai plusieurs fois voulu le faire, et ma main s’est levée pour frapper le coup ; mais aussitôt mes yeux étaient couverts de ténèbres, mes oreilles cessaient d’entendre, et tout mon corps était ébranlé par un tremblement. Mes mains demeuraient sans force, et je ne pouvais accomplir ce que j’avais projeté ; mais lorsque ensuite j’abaissais le bras, je ne sentais plus aucun mal. J’ai reconnu que Dieu était avec toi, car je n’ai pu te nuire en aucune manière. » Lorsqu’il eut dit ces paroles, l’évêque se prit à pleurer et imposa silence au clerc. Puis, retourné à sa maison, il se coucha pour souper. Après quoi il alla se reposer dans son lit, autour duquel