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plus blanches que le lait. Qui osera le réveiller[1] ? Et quoique lui-même ait dit : J’ai le pouvoir de quitter ma vie, et j’ai le pouvoir de la reprendre[2], Paul l’apôtre a dit : Si vous croyez de cœur que Dieu a ressuscité Jésus d’entre les morts, vous serez sauvé[3]. » Nous lui dîmes ces choses et plusieurs autres, sans que ce malheureux pût être touché de la foi xv. Comme il se taisait, le roi, voyant que ces paroles ne faisaient point d’effet sur lui, se retourna vers moi, et demanda qu’avant son départ je lui donnasse la bénédiction, disant : « Je te dirai, ô évêque, ce que dit Jacob à l’ange avec lequel il s’entretenait : Je ne vous laisserai point aller que vous ne m’ayez béni[4]. » En parlant ainsi, il ordonna qu’on lui apportât de l’eau, et s’étant lavé les mains, il fit sa prière et prit le pain, rendant grâces à Dieu. Nous le reçûmes, le présentâmes au roi, et, après avoir bu le vin, nous nous séparâmes en nous disant adieu. Le roi monta à cheval, et s’en alla à Paris avec sa femme, sa fille et toute sa maison.

Il y avait en ce temps dans la ville de Nice un reclus, nommé Hospitius, homme d’une grande abstinence, qui serrait son corps à nu dans des chaînes de fer, portait par dessus un cilice, et ne mangeait rien autre chose que du pain et quelques dattes. Dans les jours du carême il se nourrissait de la racine d’une herbe d’Égypte à l’usage des ermites de ce pays et que lui apportaient les négocians. Il buvait d’abord le

  1. Gen. chap. 49, v. 8, 9, 12.
  2. É. sel. S. Jean, chap. 10, v. 18.
  3. Épît. de S. Paul aux Rom. chap. 10, v. 9.
  4. Gen. chap. 32, v. 26.