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soutint pas long-temps sans tache ; ils retournèrent à leurs anciennes pratiques et passaient souvent des nuits à banqueter et à boire ; tellement que, lorsque dans l’église les clercs célébraient les Matines, ils demandaient à boire et faisaient couler le vin. Il n’était plus question de Dieu ; ils ne songeaient plus à dire leurs heures ; au retour de l’aurore, ils se levaient de table, et, se couvrant de vêtements moelleux, ils s’ensevelissaient dans le sommeil et dormaient jusqu’à la troisième heure du jour ; ils ne se faisaient pas faute de femmes pour se souiller avec elles ; puis, se levant, entraient dans le bain, et de là passaient à la table ; ils s’en levaient le soir et se mettaient alors à souper jusqu’au lever du soleil, comme nous l’avons dit. C’est ainsi qu’ils faisaient tous les jours, jusqu’à ce qu’enfin la colère de Dieu tomba sur eux, comme nous le dirions par la suite [livre VII].

Alors vint de la Bretagne à Tours le Breton Winnoch, homme d’une grande abstinence, qui s’en allait à Jérusalem et portait pour tout vêtement des peaux de brebis dépouillées de leur laine. Comme il nous parut un homme très religieux, pour le retenir plus longtemps, nous l’honorâmes de la dignité de prêtrise.

Ingiltrude avait la pieuse habitude de recueillir l’eau du sépulcre de saint Martin lxiii ; cette eau lui manquant, elle pria qu’on portât sur le tombeau du saint un vase rempli de vin ; après qu’il y eut passé la nuit, elle l’envoya prendre en présence du prêtre, et lors qu’on le lui eut apporté, elle dit au prêtre : « Ôte de ce vin, verses-y une seule goutte de cette eau bénite dont il me reste un peu ; » et lorsqu’il l’eut fait, chose merveilleuse à dire, une seule goutte