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table, comme nous étions assis l’un prés de l’autre, il me demanda avec instance de lui lire quelque chose pour l’instruction de son âme, et ayant ouvert le livre de Salomon, je pris le premier verset qui me tomba sous les yeux, contenant ces paroles : « Que l’œil de celui qui insulte son père soit arraché par les corbeaux des torrents, et dévoré par les enfants de l’aigle[1]. » Il ne le comprit pas, et je regardai ces paroles comme une prédiction du Seigneur à son sujet.

Gontran envoya alors un de ses serviteurs vers une femme qu’il avait connue dès le temps du roi Charibert, et qui avait un esprit de Python, afin qu’elle lui apprit ce qui devait arriver. Il soutenait qu’elle lui avait annoncé d’avance non seulement la nuit, mais le jour et l’heure où devait mourir le roi Charibert ; elle lui fit dire par ses serviteurs : « Il arrivera que le roi Chilpéric mourra cette année, et que le roi Mérovée régnera sur tout le royaume à l’exclusion de ses frères. Tu auras pendant cinq ans le commandement de tout le royaume ; mais la sixième année, par la faveur du peuple, tu obtiendras la faveur de l’épiscopat xxxiv dans une des cités situées sur la Loire, à la droite de son cours, et tu sortiras de ce monde vieux et plein de jours. » Lorsque ses serviteurs lui eurent, en arrivant, annoncé cette nouvelle, transporté de vanité comme s’il eût déjà siégé dans la cathédrale de Tours, Gontran vint aussitôt me rapporter ces paroles. À quoi, riant de sa sottise, je lui dis : « C’est à Dieu qu’il faut demander ces choses ; il ne faut pas croire ce que promet le

  1. Prov. chap. 30, v. 17.