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autres. Lors de cette contagion, plein de jours et de vertus, il passa de ce monde au repos éternel.

Alors aussi passa de cette vie à l’autre l’abbé de ce même monastère, et il fut remplacé par Sunniulphe, homme vivant tout entier de simplicité et de charité, qui souvent lavait lui-même les pieds des étrangers, et les essuyait de ses mains. Il conduisait le troupeau qui lui était confié, non par la crainte, mais par des exhortations suppliantes. Il avait coutume de raconter que, dans une vision, il avait été conduit auprès d’un fleuve de feu, dans lequel venaient tomber une foule de gens qui couraient sur ses bords comme un essaim d’abeilles : les uns y étaient jusqu’à la ceinture, les autres jusqu’aux aisselles, plusieurs jusqu’au menton, et ils criaient avec beaucoup de gémissements, à cause de la violence de la brûlure. Sur le fleuve, était placé un pont si étroit, qu’à peine pouvait-il contenir la largeur du pied d’un homme. Sur l’autre rivage, paraissait une grande maison toute blanche par dehors ; et lorsqu’il demanda à ceux qui étaient avec lui ce que cela voulait dire, ils lui répondirent : « Celui qui sera trouvé lâche et mou à contenir le troupeau confié à ses soins, sera précipité du haut de ce pont ; celui qui s’y appliquera avec exactitude passera sans danger, et arrivera, plein de joie, dans la maison que tu vois sur l’autre bord. » Entendant ces paroles, il se réveilla, et se montra depuis plus sévère envers ses moines.

Je raconterai aussi ce qui se passa en ce temps dans le même monastère ; mais je ne veux pas nommer le moine que cela concerne, parce qu’il est encore vivant, de peur que, si ces écrits lui parvenaient, il ne