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mourir de faim en quelques jours, que de laisser ses enfants xiii dans la misère. Alors il fut livré à des gardes, avec ordre, s’il ne donnait pas cette charte, qu’on le laissât mourir de faim. Il y avait dans l’église de Saint-Cassius, martyr, un souterrain antique et caché, où se trouvait un grand tombeau de marbre de Paros, dans lequel paraissait avoir été déposé autrefois le corps d’un homme. Le prêtre fut enfermé vivant dans ce tombeau ; on couvrit le sarcophage, on le chargea d’une pierre, et on mit des gardes devant la porte du souterrain ; mais les gardes, se fiant à la pierre qui fermait le tombeau, comme c’était l’hiver, firent du feu, et, appesantis par les vapeurs du vin chaud, ils s’endormirent. Le prêtre, nouveau Jonas, implorait, du fond de ce tombeau, comme du sein de l’enfer, la miséricorde de Dieu. Le sarcophage, comme nous l’avons dit, était grand, et, s’il ne pouvait pas s’y tourner entièrement, cependant il étendait les mains librement de tous côtés. Les os des morts, qu’on avait coutume de porter en ce lieu, exhalaient, comme il l’a souvent raconté, une puanteur mortelle, qui non seulement soulevait ses sens, mais le bouleversait jusqu’au fond des entrailles. Il fermait avec son manteau l’entrée de ses narines, et aussi longtemps qu’il pouvait retenir son haleine, il ne sentait pas la mauvaise odeur ; mais lorsque, se croyant prêt à étouffer, il écartait un peu son manteau de son visage, cette puanteur empestée lui entrait non seulement par le nez, par la bouche, mais aussi, pour ainsi dire, par les oreilles. Qu’ajouterai je de plus ? Dieu enfin, je crois, eut pitié de lui ; et en étendant sa main droite vers le bord du sarcophage, il rencontra un levier