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de toutes sortes de crimes, et indigne du sacerdoce.

Cautin, entré en possession de l’épiscopat, se comporta de telle sorte qu’il devint exécrable à tous ; s’adonnant au vin sans mesure, il en avalait quelquefois une telle quantité qu’à peine suffisait-il de quatre hommes pour l’emporter de table ; d’où il arriva par la suite qu’il devint épileptique, ce qui se manifesta souvent aux yeux du peuple. Il était aussi dominé par une telle avarice qu’il croyait perdre du sien lorsqu’il ne parvenait pas à rogner quelque chose sur les propriétés qui touchaient aux siennes : aux plus puissants, il les enlevait par des rixes et des querelles ; aux moindres, il les prenait par violence, et, comme dit notre Sollius[1] xii, n’en donnait pas le prix par dédain, et n’en prenait point d’acte de vente, faute d’espoir qu’on pût le regarder comme légitime.

Il y avait en ce temps un prêtre nommé Anastase, de naissance libre, et à qui la reine Clotilde, de glorieuse mémoire, avait donné, par une charte, quelque propriété. L’évêque l’avait fait venir plusieurs fois, et l’avait prié humblement et avec instances de lui donner la charte de ladite reine, et de lui abandonner sa propriété ; et, comme le prêtre refusait d’accomplir sa volonté, l’évêque tantôt tachait de le persuader par des caresses, tantôt l’effrayait par des menaces. À la fin, il le fit amener, malgré lui, à la ville, et là le retint avec impudence, ordonnant, s’il ne livrait pas son contrat, qu’on l’accablât d’outrages et qu’on le fit mourir de faim ; mais lui, résistant avec courage, refusa toujours de donner l’acte, disant qu’il valait mieux, pour lui

  1. Sidoine Apollinaire, appelé aussi Caius Sollius.