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en mocassins

Le vent continue de rager et le canot n’avance guère.

***

Restée seule sur le rivage silencieux, Cogomis prête l’oreille au bruit des rames fugitives qui heurtent le bordage du canot. Comme abasourdie par ce qu’elle entend, elle écoute, se frotte péniblement le front, écoute encore, tourne la tête de tous côtés et fixe les vagues de ses yeux éteints.

Elle penche le front comme pour réunir toutes ses pensées.

Le hurlement des chiens lui fait subitement réaliser le sort qu’on lui fait. Lamentablement elle lève les bras, les laisse retomber, éclate en sanglots, Hi ! Hi ! fait sa vieille voix presque éteinte.

Au tournant du cap où le vent cingle, les coups de rame se font plus bruyants et ne changent plus de place. L’embarcation est bien là, en face du rocher qu’elle a grande peine à tourner à cause de la bise.

L’aveugle ne pleure plus. Que se passe-t-il dans sa tête enténébrée, dans son cœur sauvage ?…

Elle est là, assise à terre et immobile, mais toutes ses facultés sont réveillées. Une indignation violente se greffe sur son amour maternel, et tout son être, avec une puissance de concentration propre aux Peaux-Rouges, se redresse devant le malheur. Elle aiguise par la pensée le glaive de l’amertume et le