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la fiancée du manitou

La figure animée, vermeille, Lilino achève de décorer le logis et s’en éloigne de quelques pas, afin de mieux voir l’ensemble de son travail. Elle se complaît quelques instants à le regarder, puis, d’un air satisfait : « Tout est prêt, dit-elle, pour la fête, excepté moi ; mais je vais me parer ».

Sans rien dire, ses parents sourient de cette parole en apparence irréfléchie, et tranquillement ils continuent de dépecer un jeune orignal tombé, le matin même, sous la flèche du fiancé.

Quelques instants s’écoulent et leur fille sort en effet de la cabane, revêtue de ses plus beaux habits, de sa tunique à frange et de ses mocassins brodés, de son collier et de ses bracelets en coquillages. Elle a huilé et tressé sa chevelure noire aux reflets bleus ; elle y a mis des plumes d’épervier, des grappes de merises et des mouchetures blanches d’édredon. Elle court se mirer dans une source voisine, revient et déclare qu’elle sen va à la rencontre de son fiancé.

Veut-elle plaisanter ? — Mais non : elle devient grave, sa voix change ! Elle se tient debout devant les auteurs de ses jours, et, de plus en plus émue, joignant ses mains devant sa poitrine, s’écrie enfin avec un étrange accent de vérité : « Adieu, mère qui m’as tant aimée, tu as fait mon enfance heureuse. Je t’aime toujours ; mais adieu ! Père chéri, tu as bien parcouru les bois pour me nourrir et m’habiller.