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en mocassins

Semblable, dans cette parure, à quelque déesse des bois, elle fait asseoir, au pied d’un pin, sa vanité naïve, et là, se plaît à écouter longtemps les voix confuses de la forêt, qu’elle prend pour celles des manitous.

Le soir, son ingénu babillage raconte à ses parents ses petites aventures. Ils s’en amusent, non sans remarquer avec surprise, l’étrangeté de ses goûts et le caractère merveilleux de tout ce qu’elle dit. À l’en croire, elle aurait entendu parler une fontaine ; des génies voltigeraient sur les mousses ; traceraient des moires sur les eaux ; se cacheraient dans les arbres creux, les massifs de verdure ; danseraient devant une grotte nommée d’ailleurs et depuis longtemps la grotte des Esprits. C’est à se demander si la pinière de Manitouak n’est pas vraiment enchantée ?

Ils ont entendu parler des manitous, ses bons parents, surtout par les conteurs de légendes, mais n’en ont jamais vus. Aussi attribuent-ils tout cet enchantement à l’inexpérience et à l’imagination de leur fille. Persuadés que l’âge la corrigera, ils la laissent faire et c’est leur tort : l’âge ne fera qu’accentuer ces étranges tendances.

Elle en vient à ne plus passer un jour sans courir à la pinière. Elle y fait même de longs jeûnes dans le but de se rendre agréable aux esprits. Elle les prie, le matin, de conduire son père vers les retraites du gibier, le soir, de le ramener sain et sauf,