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a refoulé autour de lui la terre et agrandi sa tombe.

D’abord aveugle et sourd, il a redressé les tiges brisées de ses yeux, étendu ses larges oreilles et sa moustache chiffonnées, refait sa hure en dos de porc-épic. Ensuite, il s’est mis à creuser des ongles et des griffes, à ramper entre les roches, à se faire des chemins de lombric, à soulever la terre avec son dos.

Les manitous de l’humus entendaient ses grognements sourds, ses grincements de dents, le craquement de ses vertèbres, le crissement de ses écailles râpées au passage par les roches.

L’ombre sur le front et la rage dans le cœur, il a vomi de la flamme, a calciné l’argile, fondu les pierres de sa nouvelle caverne, et l’on a entendu à distance le grondement du feu souterrain.

Bientôt, à travers le sol fendillé, les flammes ont sorti leurs aigrettes, et la fumée jaillissante a levé jusqu’au ciel son lugubre parasol.

Enfin la voûte a sauté et le monstre est sorti.

Le voici donc qui réapparaît sur la crête éruptive entourant l’ouverture du gouffre, crispant ses griffes de panthère sur une pierre fumante ; le voici, surpris et furieux, hésitant et sûr de sa force, conscient de son triomphe, fouettant de sa queue étincelante de l’air épais et rougeâtre, dirigeant de tous côtés ses yeux de langouste d’un éclat rouge de soleil couchant.

Une panique générale suit l’apparition de ce re-